Les Veilleurs
Un cycle de créations
En 1994, j'ai fait la demande à Jean-Olivier MAJASTRE d'un texte pour le théâtre : Toujours sans nouvelle de Gian Ansaldo met en scène deux aveugles et une jeune femme, Claire. La cécité comme rapport au Monde... De là est né mon envie de faire entendre des résonances en réunissant des textes d'auteurs, de nature et d'époque différents. Par les mots, elle, ils, émeuvent, amusent, ironisent, dérangent, interrogent, bousculent. Philippe GARIN
Gian Ansaldo
Des cannibales
Petits récits
en prose
Œil de cyclone
Toujours sans nouvelle de Gian Ansaldo
Jean-OIivier MAJASTRE
théâtre / publication
Galilée s'est brûlé les yeux à force d'observer les étoiles. On dit qu'Homère était aveugle mais sa poésie a traversé les siècles et nous parle aujourd'hui. En se crevant les yeux, Œdipe s'est ouvert aux révélations de son désir. Et la goutte de sang qui perle aux yeux du rossignol est promesse de chant pur. Des confins de l'univers au plus intime de l'être, la cécité nous conduit à découvrir de nouveaux mondes. Alors, il y a deux hommes...Deux aveugles dont les destins vont se croisent à partir d'une agression dont ils sont les témoins effacés et sensibles. Une femme est précipitée dans leur vie qui leur permettra de se révéler à eux-mêmes, en même temps qu'ils nous révéleront leur lecture du monde, qui par l'ouïe, qui le toucher, qui par l'odorat. Se tisseront autant de discours, tâchant de faire coïncider la femme de chair et la femme parlée, et sous le déguisement du langage deux femmes différentes se dessinent pour se confondre finalement en une seule.
Une parole de femme cherche à se faire entendre, qui s'est affranchie de la dictée du regard, mais qui ne se reconnaît pas pour autant dans l'image éclatée que lui renvoie les désirs aveuglés. Elle essaiera de leur échapper pour les leurres du visible, mais la jalousie creuse dans l'âme un gouffre plus profond que la nuit. Deux aveugles se partagent la femme qu'ils ont aimée, la femme qu'ils ont tuée, qu'ils finiront par manger.
Une histoire de cruauté comme on peut voir, mais plus sûrement de tendresse. Le rire tâche toujours de s'y ouvrir un chemin.
Des Cannibales
Michel de MONTAIGNE
En 1562, quand Montaigne voyage au Havre pour rencontrer un indien qu'on ramène d'Amérique, il trouve ce cannibale tout à fait convenable, et ne cesse de louer la douceur de ses mœurs, l'excellence des relations sociales de son peuple . Le cannibalisme qui aurait dû ne lui inspirer que dégoût, trouve grâce à ses yeux, surtout quand il le compare à la cruauté et à la barbarie des civilisés.
"Je pense qu'il y a plus de barbarie à manger un homme vivant qu'à le manger mort, à déchirer par tourments un cops encore plein de sentiments, le faire rôtir par le menu, le faire mordre aux chiens et aux pourceaux, sous prétexte de piété et de religion, que de le rôtir et de le manger après qu'il eut trépassé"
Essais - Livre I - Chapitre XXXI - Des cannibales
avec Christophe DELACHAUX
Mise en espace Philippe GARIN
Représentations à Grenoble - 1995
Petits récits en prose
Jonathan SWIFT
On connaît Jonathan Swift comme l'auteur des "Voyages de Gulliver". On connaît moins le pamphlétaire féroce qu'il est, avec ses "Petits récits en prose". Parmi les textes que nous avons retenus pour cette lecture-spectacle, Swift propose, avec un humour radical, dans un monde déjà en proie à la famine et à l'exclusion, d'imposer des signes distinctifs aux mendiants des différentes paroisses, ou encore de nourrir la population avec la viande des bébés des classes pauvres.
Textes choisis
Méditations sur un manche à balai.
Projet de distribution d'insignes distinctifs aux mendiants.
Modeste proposition pour les enfants des classes pauvres.
Résolutions pour quand je vieillirai.
avec Hélène NÉ
Mise en espace Philippe GARIN
Musiques de Michaël NYMAN
John ADAMS et Meredith MONK
Représentations à Grenoble
Voiron et Fontaine - 1995
"J'ai connu à Londres un Américain fort compétent, lequel m'a révèlé qu'un bébé sain et bien nourri constitue à l'âge d'un an un plat délicieux et hygiénique, qu'il soit préparé à l'étouffée, à la broche, au four ou en pot-au-feu, et j'ai tout lieu de croire qu'il fournit de même d'excellents fricassées ou ragoûts. J'admets qu'il s'agit d'un comestible assez cher, et c'est pourquoi je le destine aux propriétaires terriens : ayant sucé la moelle des pères, ils semblent les plus qualifiés pour manger la chair des fils".
Œil de cyclone
Natacha de PONTCHARRA
Pour des raisons obscures, Malek est devenu aveugle. Un accident que rien, ni Dieu, ni médecins, ne peut expliquer. Condamné au regard du dedans, il accède au dialogue avec sa nuit. Privé et lavé de l'apparence des choses, il renaît aux sensations et à la perception des êtres et du Monde. À la lisière du jour et de la nuit, de la vie et de la mort,il devient centre. Attirant, aimantant à lui, Eva. Eva, l'initiatrice, l'annonciatrice, incarnation de celle qui conduit.
Jusqu'à la chute.
Tramé des petits riens du quotidiens, d'évocations drôles et cocasses, et de visions lyriques et colorées, ce poème à une voix nous convie à revisiter le mystère de toute perte, de toute vie, puisque vivre c'est perdre.
Disribution
MALEK : Bernard GARNIER / Mise en scène Philippe GARIN / Scénographie Philippe GARIN et Daniel MARTIN / Lumière Patrick JABERG / Costumes Deborah BENROS / Musique John CAGE / Photo Joseph Caprio.
Production : ATHECA avec l'aide du Conseil Général de l'Isère et de la Ville de Grenoble
Diffusion : 14 représentations à Grenoble, Château Rouge Annemasse et Ciné-Théâtre La Mure.